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De l’écriture à la lecture en cursive

Comme beaucoup d’entre vous le savent, nous avons récemment publié une collection de livres aux éditions Larousse intitulée « Mes premières lectures Montessori ». Parmi les nombreux retours que nous avons eus ainsi que les commentaires que nous avons pu lire, une question revient souvent :

Pourquoi proposer des histoires en écriture cursive et non en script ?

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Il est vrai que quasiment 100 % des livres que nous sommes amenés à lire au cours de notre vie sont écrits en script. Or les livres « Mes premières lectures Montessori » sont destinés aux lecteurs débutants. Et c’est bien sur cette affirmation que se base tout notre argumentaire : des lecteurs débutants pour qui nous avons voulu lever toute difficulté afin de les introduire individuellement. Ainsi cette collection constitue un véritable outil progressif visant à amener le lecteur en herbe vers une lecture et une compréhension fluides.

Nous, les auteurs, avons déjà expliqué partiellement notre choix du cursif dans l’introduction des livres mais il nous semblait opportun de répondre plus en profondeur à cette question.

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L’acte de lire découle de l’acte d’écrire

En pédagogie Montessori, l’acte de lire découle de l’acte d’écrire. Et le tout se passe en écriture cursive, tout du moins au début, comme le préconise Maria Montessori. Voici deux citations tirées de ses ouvrages :

Cursive 1

Cursive 2

Ecrire se définit sous deux formes :

  • coder des unités sonores appelées phonèmes avec des graphèmes (lettres ou ensemble de lettres),
  • laisser une trace graphique sur le papier.

L’apprentissage de ces deux formes d’écriture se fait, en pédagogie Montessori, en parallèle. Cet apprentissage de l’écriture précède la lecture. En d’autres termes l’enfant apprend d’abord à coder (écrire) avant de se lancer spontanément, quand il est prêt, dans la lecture. On transmet donc au préalable à l’enfant le code avec, entre autres :

  • le jeu « je devine » qui permet d’affiner la conscience phonologique de l’enfant. Il s’agit d’accompagner l’enfant à identifier les sons qui composent un mot (Mon petit œil voit un objet dont le nom commence par/finit par, dans lequel j’entends … )

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  • les jeux qui permettent de décomposer un mot en unités sonores (les phonèmes) : quand je dis moto, j’entends [m]/[o]/[t]/[o],
  • les lettres rugueuses et les premiers digrammes rugueux choisis parmi ceux qui interviennent le plus fréquemment dans la langue française (ch, on, gn, ai, ou, an, in, oi …). On établit ainsi une relation entre la graphie (la lettre ou le groupe de lettre) et la phonie (le son que fait cette lettre ou ce groupe de lettres).

On effectue donc tout ce travail préalable afin d’amener l’enfant à être en mesure de coder la majorité des mots qu’il entend à l’aide d’un alphabet mobile. Le but est bien que l’enfant transcrive à l’aide du code qui lui a été transmis ce qu’il entend : des mots, des phrases, parfois des histoires entières, et qu’il soit autonome dans son exploration de l’écriture. A ce stade, bien que capable de coder, l’enfant n’en est pas pour autant encore entré dans la lecture.

L’alphabet mobile est utilisé comme une béquille avant que la main ne se soit entraînée au geste graphique. L’écriture manuscrite prendra plus tard le relais et permettra à l’enfant d’écrire sur du papier.

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Au début, le code est donc unique : il s’agit de lettres cursives, choisies car elles correspondent à l’acte d’écrire. Nous écrivons sur le papier grâce à des lettres cursives. De plus, le jeune enfant trace beaucoup plus facilement sur le papier des cercles et des boucles liées entre elles que des petits bâtons horizontaux, verticaux ou obliques utilisés dans le script. Ce n’est bien que plus tard, à l’adolescence, que nous personnalisons notre écriture.

Pourquoi donc faire intégrer à l’enfant un code graphique dont il n’aura pas besoin (tout du moins dans un premier temps) pour mettre sa pensée par écrit ?

Une fois que l’enfant aura beaucoup codé (des mots, des phrases) grâce à l’utilisation d’un alphabet mobile en cursive, il relira spontanément ses premières productions. Il lira donc l’écriture cursive car il aura écrit à l’aide de l’alphabet mobile en cursif. C’est d’ailleurs le moment où on l’exercera à la lecture de mots de manière intensive. Il s’agit de mots écrits à la main par l’adulte sur des petits billets qu’on lui tend afin qu’il découvre de quoi on veut lui parler. Encore une fois, ces mots sont écrits en cursive, car ils sont le résultat d’une écriture manuscrite de l’adulte.

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Existe-t-il donc, à ce moment, une urgence à mettre en place un deuxième code
(le script), sous prétexte qu’il est utilisé dans les livres ?

Non, évidemment ! L’enfant n’en est pas là. Il va passer beaucoup de temps à s’exercer à lire des mots puis des phrases, le tout écrit en cursive par la main de l’adulte ou le cas échéant par des textes tapés à l’ordinateur dans une police se rapprochant le plus possible de l’écriture manuscrite, ce qui est le cas de la police cursive Dumont maternelle.

De plus, l’enfant s’exerçant en parallèle au geste graphique en cursive, le matériel de lecture mis à disposition constitue pour lui un modèle dans lequel il perçoit le mouvement qu’il devra effectuer pour reproduire l’écriture manuscrite.

Une fois que l’enfant aura lu bon nombre de ses productions écrites en cursive, qu’il aura écrit en cursive à la main, qu’il aura travaillé la lecture en cursive à travers la grammaire, le vocabulaire classifié, et qu’il aura lu ses premières histoires en cursive, alors, tout naturellement, il pourra lire dans toutes les écritures : son cerveau aura établit les correspondances seul sans même qu’il n’ait eu à les travailler.

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Le recyclage des neurones de la reconnaissance des visages

On sait désormais que le fait d’apprendre la lecture en écriture scripte alors que l’on apprend à écrire aux enfants en cursif est à l’origine :

  • de nombreuses confusions de lettres proches qui s’écrivent en miroir en script : p/q,b/d,
  • de nombreuses inversions du fait que les lettres ne sont pas liées entres elles en écriture scripte (l’enfant aura du mal à discriminer visuellement le script).

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Ces problèmes viennent du fait que, pour apprendre à lire, notre cerveau recycle des neurones qui n’avaient pas été prévus à l’origine pour permettre à l’humain de lire. Pour ça, le cerveau utilise les neurones de la zone de reconnaissance des visages. . Cette zone existe dès la naissance. Elle permet de reconnaître une personne quel que soit le point de vue. La zone dédiée à la lecture va « s’installer » dans cette zone cérébrale de reconnaissance des visages en procédant à une modification des circuits. On continue quand même à reconnaître des visages avec cette zone qui ne disparaît pas !

C’est la raison pour laquelle on fabrique des difficultés de reconnaissance des lettres en script quand on demande trop tôt à l’enfant de discriminer les b ou les p… son cerveau à lui en étant toujours à considérer tous les points de vue d’une personne comme identiques. Il faut donc laisser le temps au cerveau de l’enfant de mâturer …

Il est donc bien plus simple d’utiliser dans un premier temps l’écriture cursive où cette difficulté de différenciation de l’orientation n’intervient pas. Ces arguments sont avancés par Stanislas Dehaene dans son livre « Les neurones de la lecture » dont il parle ici dans une de ses conférences :

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L’acte de lire

L’acte de lire contient deux étapes :

  • la lecture oralisée, subvocalisée ou intériorisée,
  • la compréhension

Un des buts de ces livrets est la compréhension autonome qui sera d’autant moins bonne que l’enfant peine à reconnaître les mots à cause des graphies scriptes.

Vous avez donc à présent une explication complète de notre choix d’écriture cursive pour notre collection. Il s’agit bien de toutes premières lectures qui viennent à la suite des premiers billets de lecture manuscrits. L’enfant n’est ainsi pas gêné par un nouveau code et peut concentrer ses efforts sur le déchiffrage. Une fois que la lecture en cursive sera fluide, il parviendra très rapidement, après avoir lu quelques livres en cursive, à lire l’écriture scripte.

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Nous avons cependant choisi de maintenir l’écriture cursive pour toute la collection, car elle permet aux enfants dont la lecture est encore fragile de ne pas entraver leur processus, pour autant, elle n’empêche absolument pas les enfants qui y sont prêts de passer au script.

Julie Rinaldi, Anaïs Galon

7 réflexions au sujet de “De l’écriture à la lecture en cursive”

  1. Bonjour, auriez vous une référence svp par rapport aux observations faites sur le fait d’apprendre la lecture en écriture scripte alors que l’on apprend à écrire aux enfants en cursif est à l’origine d’erreurs confusions etc… ? Que je montre ça à mes collègues et pourquoi pas réussir enfin à les convaincre…
    Merci 😊
    Sylvie

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  2. Bonjour, je viens de lire votre article qui m’a fortement intéressée. J’aurais aimé savoir, conseillez vous donc de travailler la connaissance des lettres de l’alphabet plutôt directement en écriture cursive dès l’entrée à l’école maternelle. Traditionnellement les programmes de l’école maternelle préconisent l’apprentissage de la capitale, la scripte puis la cursive.. Si on suit la logique de l’article, faudrait-il plutôt faire le contraire? travailler toujours en cursive pour petit à petit basculer vers une correspondance vers les autres graphies? Je vous remercie. Emmanuelle

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    1. Bonjour Emmanuelle, en effet en pédagogie Montessori, on travaille tout de suite avec le cursif. L’enfant n’est mis en situation de lire du script que lorsqu’il est en mesure des lire des textes de manière relativement fluide, quand il a fait tout le travail de lecture du mot, puis de la phrase. D’expérience nous avons constaté que les enfants font eux-mêmes et souvent assez facilement les liens par la suite entre le cursif et les autres écritures, surtout les majuscules d’imprimerie qu’ils croisent dans leur quotidien un peu partout.

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  3. Merci pour cet article et je confirme combien il est aisé pour un enfant ayant baigné dans le cursif dès le plus jeune âge d’entrer dans le lecture (en écriture cursive qui évite justement les confusions qu’induisent les lettres scriptes en miroir). Il passe ensuite aisément, naturellement, je dirai, au script

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